L’expérimentation forestière
Le Grand Site de France accueille une expérimentation en matière de gestion forestière sur le mont Beuvray.
Recouvrant 52% de l’espace du territoire du Grand Site, la forêt est une composante majeure du paysage. Dans un contexte de grande incertitude quant à son devenir, les gestionnaires du Grand Site de France se sont mobilisés pour faire du mont Beuvray un laboratoire d’expérimentation en vue d’adapter la gestion forestière au changement climatique, avec une dimension d’intégration des enjeux sociétaux via la facilitation du dialogue territorial, tout en conciliant ces enjeux avec la préservation de la biodiversité.
Une forêt menacée à court terme
L’impact du changement climatique
Sécheresses, parasites... l’impact du changement climatique est dramatique sur les peuplements forestiers de résineux introduits au cours du XXe siècle, comme l’épicéa ou le sapin pectiné, mais aussi sur les peuplements indigènes feuillus marqués par des dépérissements. L’arrivée à maturité de peuplements réguliers de résineux, notamment de douglas, et leur exploitation en coupe rase, qui est une tendance de fond dans le Morvan, couplée au renforcement de la demande de bois sur le marché mondial, contribuent aussi à accélérer le changement de la physionomie du territoire en dégradant sa qualité paysagère, ce qui crée des dissensions de plus en plus fortes entre les acteurs de la filière et les habitants.
Carte donnant un aperçu des types de propriétés forestières sur le territoire. Ces relevés (incomplets) ont été effectués dans le cadre d'une enquête réalisée lors du stage de MG Cailleau en 2017.
Retour sur les premières expérimentations
Le cas des sites classés
Sur les propriétés publiques situées dans l’emprise des Sites classés du Mont-Beuvray et du Mont-Préneley, le souci d’améliorer la qualité paysagère et la biodiversité tout en préservant la ressource économique dicte les documents de gestion forestière établis par l’ONF. Cela passe notamment par la conversion des peuplements réguliers de résineux apparus depuis le milieu du XXe siècle en peuplements mixtes (résineux / feuillus) et irréguliers.
Par ailleurs, une enquête (stage de MG Cailleau, 2017) centrée sur ces deux sites et leurs abords a permis de mieux connaître la structure de la propriété forestière. Peu après, un projet financé par le dispositif des Plans de Paysage du Ministère de l’écologie dont le territoire a été lauréat en 2019 a permis de lancer deux actions expérimentales :
- la SAFER Bourgogne Franche-Comté anime la reprise des biens dits « vacants et sans maître » à l’échelle des douze communes du Grand Site de France, afin d’aider les communes à se constituer un capital foncier et à construire une stratégie foncière, sachant que ces biens vacants sont pour l’essentiel des parcelles forestières (anciens terrains agricoles abandonnés).
- le Centre National de la Propriété Forestière Bourgogne Franche-Comté conseille les micro-propriétaires fonciers en vue de leur offrir la possibilité de mutualiser leur gestion forestière via des documents de gestion concertés. Afin d’aller plus loin dans les possibilités de mutualisation de gestion, une visite découverte de la Fruitière de Gestion Forestière du Haut-Jura a permis de voir l’étendue des possibles.
Le laboratoire a pour ambition de promouvoir un dialogue approfondi, appuyé sur des faits avérés et sur de l’expertise scientifique, afin à la fois de sensibiliser les propriétaires et les acteurs de la filière bois aux enjeux écologiques et paysagers, et de faire prendre conscience aux habitants, qui sont souvent leurs détracteurs, des préoccupations et des contraintes du secteur.
Le laboratoire d’expérimentation forestière
Promouvoir les bonnes pratiques sylvicoles
Dans le cadre du troisième cycle de labellisation du Grand Site, un laboratoire d’expérimentation forestière a été initié. Il a pour ambition de devenir une vitrine des bonnes pratiques de gestion forestière conciliant économie, écologie et paysage, notamment en :
- installant un observatoire permanent de la forêt s’intéressant simultanément à toutes les échelles d’observation, de l’échelle moléculaire (génétique) à l’échelle paysagère (perception par les populations) ;
- expérimentant différentes modalités de régénération des peuplements forestiers dans le respect des ambitions de préservation de la biodiversité et des paysages et l’optimisation du piégeage du carbone ;
- maintenant la valeur économique de la forêt, par la production de bois et l’exploration de sources alternatives de revenu comme la rémunération de services écosystémiques.
Plusieurs thématiques sont ainsi étudiées en interaction : étude des sols (dont flux de carbone et flux hydrique), mise en place d’un observatoire des peuplements forestiers et de la biodiversité, expérimentations sylvicoles et acceptabilité sociale des pratiques. Ce laboratoire se veut un lieu d’échange et d’expérimentation, face à l’urgence du changement climatique, impliquant et créant du lien entre les acteurs locaux, le grand public, les partenaires économiques et le monde de la recherche.
Les partenaires du laboforestier
Les partenaires du laboratoire
Des financements variés
Le laboratoire forestier mobilise trois partenaires principaux : Bibracte EPCC, l’Office national des Forêts et le Parc naturel régional du Morvan. Il associe en outre la communauté scientifique, dans l’esprit d’un terrain d’expérimentation partagé.
Cette initiative avait obtenu un premier soutien de l’Europe et de la Région au titre du Partenariat européen d’innovation pour l’agriculture et la foresterie (PEI-AGRI) pour les années 2022-2023.
Grâce à la solidité du consortium pluridisciplinaire et à l’originalité de ce programme d’expérimentation forestière, un nouveau soutien du Partenariat Européen d’Innovation pour l’Agriculture et la Foresterie (PEI-Agri), financé par le FEADER et la Région-Bourgogne-Franche-Comté, a nouveau été obtenu pour les années 2024-2026.
Par ailleurs, des fonds ad hoc mis en place par l’État au titre du Plan de Relance permettent de financer des replantations sur les parcelles d’épicéa qui ont dépéri ces dernières années.
© Ninon Bonzom
Les partenaires scientifiques
BIBRACTE EPCC : assure le pilotage administratif du projet et la coordination des acteurs, ainsi que le pilotage de plusieurs tâches : la mise en place et le suivi le suivi de l’évolution des différents faciès forestiers ainsi que l’animation du dispositif de concertation.
L’Office National des Forêts : intervient tout d’abord comme opérateur de la gestion forestière du mont Beuvray. À ce titre, l’ONF porte le volet expérimental d’intégration des résultats scientifiques dans les techniques sylvicoles à appliquer aux peuplements.
Le Parc Naturel Régional du Morvan : intervient prioritairement dans le second volet du projet au titre de son expertise en matière de biodiversité, qui inclut le pilotage du contrat d’objectif Natura 2000 dont bénéficie le mont Beuvray.
Le laboratoire Biogéosciences (UMR CNRS – uB – EPHE 6282, Dijon) : mobilise des compétences larges sur le volet expérimental et pilote notamment les tâches relatives à la quantification des flux de carbone, à l’analyse du changement climatique, et de la ressource en eau.
La faculté de foresterie de l’université Mendel (Brno, République tchèque) : mobilise dans le laboratoire forestier l’expertise de son département de pédologie, chargé de caractériser les sols en relation avec la nature du couvert forestier, les pratiques sylvicoles et les perturbations du système climatique.
L’Institut des sciences de la Terre d’Orléans (UMR 7327 CNRS – Université d’Orléans – BRGM) : travaille sur la question de la ressource en eau, celle-ci dépendant à la fois des altérations récentes du socle mais aussi de l’histoire géologique passée.
Le laboratoire SILVA (UMR AgroParisTech – INRAe – université de Lorraine, – Nancy) : apporte au projet une expérience importante dans le domaine de la concertation forestière et du dialogue territorial mené de concert avec Bibracte, l’expert en dialogue territorial Philippe Barret, l’ONF et le PNRM.
Réserves naturelles de France et l’Observatoire des Forêts Sentinelles (association – Dijon) : sont garants de la robustesse des protocoles de suivis forestiers appliqué sur le Beuvray, ainsi que de la transmission des résultats à la communauté scientifique via l’intégration du laboratoire forestier du mont Beuvray au sein de l’Observatoire des Forêts Sentinelles, initiative forte d’un réseau de 150 sites.
L’action de ce « noyau dur » est appuyée par deux experts intervenant en tant que prestataires :
Le cabinet d’Expertise forestière Frédéric Labbe: particulièrement engagé dans le second volet du laboratoire forestier notamment dans l’application concrète des protocoles forestiers.
L’expert en dialogue territorial Philippe Barret (agence DialTer) : spécialiste des dispositifs de médiation de conflits et de concertation, avec une forte expérience du domaine forestier, accompagne Bibracte et SILVA dans la mise en place du dispositif de concertation territorial.